Je me souviens... - L'âge du roman - Le romancier
Auteurs   Simenon, Georges (Auteur)
Edition  Editions Rencontre : Lausanne , 1968
Langue d'édition   français
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Réservation
SiteNuméroCoteSection / LocalisationEtat
Waziers 1596540133029 843.08 SIM JAdulte / Armoires hautes rez-de-chausséeDisponible
Résumé : Je me souviens... "Mon cher garçon, D’autres événements ont dû se passer le 13 février 1903. Grèves ? Arrestations d’anarchistes ? Visite de souverains à Paris ? Tirage de tombola ? Il suffirait de feuilleter une collection de journaux de l’époque. Toujours est-il que l’événement le plus important pour moi comme pour toi a eu pour théâtre la rue Léopold, qui relie le pont des Arches à la place Saint-Lambert, à Liège. Exactement, cela s’est passé au deuxième étage de chez Cession, le chapelier". Préface de l’auteur J’ai dit plusieurs fois quelles circonstances m’ont amené à écrire ce livre. Je les répète brièvement. En décembre 1940, quelques mois après l’invasion de la France, je me trouvais replié dans la forêt de Mervent, en Vendée quand un médecin, après un examen hâtif, diagnostiqua par erreur une angine de poitrine et m’annonça que j’en avais pour deux ou trois ans à vivre. Mon premier fils, Marc, avait dix-huit mois. Je n’espérais pas d’autres enfants. C’est donc pour lui que, dans des cahiers, sans aucun souci littéraire, je racontai mes débuts dans la vie. Ce texte romancé et élargi devait devenir Pedigree. Quant aux cahiers originaux, c’est par hasard, pour des raisons assez complexes, que j’en permis la publication en 1945 sous le titre de Je me souviens… Depuis, j’ai toujours interdit la réédition du volume". L'âge du roman "J'ai tort d'écrire cet article comme aurait tort le trapéziste volant ou l'athlète portant toute une pyramide humaine qui, au milieu des ses exercices, croirait devoir exposer au public ses vues personnelles sur le cirque. J'ai tort enfin parce que je me connais assez bien, que je patauge sans nulle grâce dans le domaine des idées et de l'abstraction, que je m'y montre à la fois naïf et balourd, qu'au surplus je me suis efforcé pendant plus de vingt ans d'écrire avec des mots qui seraient palpables, des mots matière, ceux-là précisément qui conviennent le moins ici. J'ai tort et pourtant je cède, puisqu'on m'y invite, au désir enfantin de m'expliquer sur le roman, en sachant d'avance que je n'expliquerai rien du tout. A mes yeux, le romancier idéal, c'est Dieu le Père, et les romanciers sont des monstres qui, souffrant, soufflant, se contorsionnant, se gonflant, suant des heures, des jours, des mois durant pour se mettre en transe, s'efforcent à leur tour de créer un monde, au risque d'éclater eux-mêmes, et de le porter à bout de bras". Le romancier "Un romancier, voyez-vous, n'est pas nécessairement un homme intelligent. Il y en a qui le sont, certes. Je ne veux pas me mettre à dos ceux de mes confrères qui bénéficient de cette éminente qualité. Mais il y en a qui ne le sont pas. Et ceci n'est nullement un paradoxe. Il existe ce que j'appellerais le romancier pur, l'homme qui bâtit des romans comme d'autres sculptent la pierre ou peignent des tableaux, le romancier qui, consciemment ou non, inconsciemment le plus souvent, ramasse autour de lui des documents humains, les entasse en lui jusqu'à en étouffer et à être obligé d'extérioriser enfin des émotions trop puissantes pour un seul homme. Pourquoi voudriez-vous que cet homme fût intelligent ? Souvent, je pense, l'esprit d'analyse lui fera défaut, je parle toujours d'analyse consciente, d'analyse raisonnée. Quant au sens critique, je me demande si ce ne serait pas pour lui une entrave. Je prend mes précautions avant de vous avouer sans modestie que je n'ai aucun sens critique, aucun esprit d'analyse et que je me sens, dans le maniement des idées, la lourdeur d'un ouvrier-maçon. Le mot "ouvrier" me plaît d'ailleurs, et nous dirons, si vous le voulez bien, que je ne suis qu'un ouvrier des lettres".