Résumé : On ne peut parler - et encore moins écrire - de René Magritte comme on le ferait, d'habitude, pour d'autres artistes de sa génération. C'est que son œuvre, dans toute son étendue, ses choix et ses objectifs - et même dans sa fabrication - échappe aux règles généralement enregistrées pour qualifier les raisons d'être et les méthodes de travail des créateurs, anciens et modernes. Magritte, en fait, "met en cause". Il perturbe. Son propos n'est pas, pour reprendre un titre d'Eluard, de "donner à voir". Il repose sur une utilisation, faute de mieux, de l'art pictural pour donner à penser, pour rendre visible la pensée. De là ces tableaux en forme d'images, alliances inattendues parce qu'imaginaires, d'éléments sans rapports reconnus les uns avec les autres. De ce point de vue, Magritte est probablement le seul illustrateur précis de l'appel à la beauté tel que l'exprimait Lautréamont lorqu'il déclarait, pré-surréaliste dérisionnel : "Beau... comme la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie" (sixième "Chant de Maldoror"). Du coup, le concept même de "beauté" chavire... L'étonnement, en vérité, prime sur les artifices.
Notes : Bibliogr. p. 229